C'est en naviguant sur internet que j'ai appris la mort de Jacques Sternberg le 11 octobre 2006 et, comme pas mal de gens, par hasard.
La faucheuse, unique femelle dont il se tenait prudemment et haineusement à l'écart, mais qu'il avait souvent couchée dans ses romans et nouvelles, l'avait finalement et sans surprise rattrapé. Je voulus voir ce que l'on avait dit ou disait sur cet écrivain hors norme. Je ne fus pas trop étonné de ne pas trouver grand-chose. On ne devient pas le créateur et le rédacteur d'une revue nommée : le Mépris, par hasard et sans en payer fatalement les conséquences un jour. Je pense que Jacques Sternberg aurait apprécié avec humour et cynisme, l'assourdissant silence des médias et de la "profession" littéraire, qu'il avait si copieusement conchié, accouchant à grand-peine lors de l'annonce de sa mort de quelques articles superficiels de circonstance et même, plus surprenant, d'un hommage improbable et inattendu, du Sinistre de la culture en place. Donc rien...
En fouillant dans ce bordel (exercice pervers) qu’est le web, où l'on peut trouver des sites entiers dédiés à la gloire de footballeurs autistes surpayés et coup de boulistes érigés en héros tragiques, de nymphettes aphones au QI de moule, mais au cul certain, essayant de chantonner à défaut de savoir parler et de nains politiques ponti-nazifiants, prônant la solution finale économique; j'ai pu quand même relever, de-ci de-là, quelques imprécisions, des contresens, de l'humour involontaire, mais un intérêt certain pour l'homme et ses livres et une tristesse de le savoir parti. Quelques diamants rares aussi, émouvants, d'ami(e)s, d'amateurs et de mateuses éclairées, de cinglé(e)s de science-fiction, de fantastique, d'absurde, d'humour noir, de mots et de phrases finement ciselées, qui loin des clichés et des trares homélies larmoyantes des médias et des pouvoirs en place, donnent une idée de l'ampleur du bonhomme dans l'histoire de la littérature francophone du XXème siècle...
Ramassant sur la plage de l'indifférence générale ces morceaux de bois flottés laissés par ses admirateurs j'ai pu recréer cette sculpture virtuelle, ce site, qui fut le premier consacré à l'auteur avant d'ête rejoint par d'autres fans. Je ne prétends pas corriger un tir raté ou verser dans la nécrophilie littéraire, Sternberg apparemment abhorrait plus que tout, les hommages et à plus forte raison posthumes. Et je ne compte pas entretenir un mort toute ma vie, aussi sympathique fut-il. Non, ce site veut juste être un cairn, une bouée de position plus qu'un phare, un repère, pour donner des pistes à suivre, aux amoureux du bizarre, du fantastique, du hors norme, de l'érotisme, de l'étrange et j'en passe...
Mais il vous faudra chercher. Rien ne vous sera réellement donné ou expliqué, et surtout pas par Sternberg qui prends un malin plaisir à brouiller les pistes. Il faudra vous déplacer dans de rares vieilles librairies, capharnaüms labyrinthiques, et fouiller des étagères poussiéreuses ou vous abîmer les yeux sur des sites improbables pour trouver les ouvrages convoités, souvent rares ou épuisées et sûrement pas en rééditions avant longtemps. De son vivant il vendait peu,mais à des lecteurs intelligents, alors mort... Et ensuite il vous faudra lire ses livres étranges à plus d'un titre, graves, drôles, démesurés, courts, longs que l'on dirait conçus par différents auteurs... Pourtant, je vous le promets ces livres, vous laisseront quand vous les refermerez, une impression de malaise, mais aussi, paradoxalement, de plaisir. Le plaisir de celui qui rit avec lucidité du monde fou environnant qui nous broie et de la mort qui nous attends au final, mais qui s'accroche, coûte que coûte, à l'amour, à l'absurde, à la vie même, sans espoir de retour.
C'est cela que transmettait, que transmet encore, Jacques Sternberg à travers ses écrits, et c'est cela qui lui survivra, jusqu'à l'explosion finale...
Et c'est ici qu'on le découvre
L'Employé